Edito n°10

Je souhaite partager avec vous, comme j’en ai pris l’habitude, quelques moments forts de mon activité parlementaire, ainsi que de mon engagement dans notre circonscription. 

C’est tout récemment, le 1er juin, que s’est achevé un long travail commencé début janvier, celui de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les ingérences étrangères, dont j’ai eu la lourde charge d’être la Rapporteure. Et donc, d’écrire le rapport, fruit de près de six mois d’auditions (44 auditions, 53 personnes auditionnées, 87 heures d’audition), qui nous ont vus auditionner, les chefs de nos services de renseignement, experts, universitaires, journalistes d’investigation, hommes et femmes politiques, (députés, sénateurs, députés européens), anciens ministres, et même un ancien Premier Ministre. 

Le rapport est aussi le fruit de lectures, de réflexions et de convictions nourries, depuis longtemps, sur le sujet ô combien crucial des ingérences étrangères à l’œuvre dans notre pays. 

Dans mon rapport, approuvé par une majorité transpartisane, de mes collègues de la commission d’enquête, mais rejeté par les députés du Rassemblement National, à commencer par le Président de la commission d’enquête, alors même que le Rassemblement National avait été à l’origine de cette commission d’enquête, j’ai d’abord posé ce qui définit une ingérence étrangère, et la distingue d’une influence. 

Les ingérences étrangères présentent un caractère malveillant, hostile, toxique, voire délictueux, et visent à déstabiliser, saper la confiance dans les institutions d’un pays, manipuler les informations données au public, apporter la confusion entre le vrai et le faux, construire des récits « alternatifs », servir les intérêts d’une puissance étrangère. 

Les ingérences étrangères peuvent emprunter plusieurs vecteurs, comme les cyberattaques, la manipulation de l’information, les atteintes au patrimoine scientifique et technique, l’utilisation du droit comme une arme (« lawfare »), le recrutement d’anciens responsables politiques ou économiques…

Les très nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé, ont attesté de la réalité et de la dangerosité des ingérences étrangères à l’œuvre dans notre pays, comme d’ailleurs dans d’autres pays européens. 

De toute évidence, la Russie de Vladimir Poutine constitue la principale menace pour les démocraties occidentales en matière d’ingérence. 

Ses activités hostiles s’inscrivent dans une logique de subversion et de déstabilisation. 

Elles reposent sur l’espionnage, la guerre informationnelle et les cyberattaques. De plus, la Russie, continue d’user d’un pouvoir d’attraction par convergences d’intérêts ou par recrutement intéressé. 

La Chine représente l’autre grande menace pour nos démocraties en ce qui concerne les ingérences. Elle a de plus en plus recours à des manœuvres agressives et malveillantes pour atteindre ses objectifs, au point qu’on peut parler de « russianisation » de son attitude. Si les ingérences dans la République Populaire de Chine est l’auteure sont surtout destinées à contrôler son image et ses ressortissants à l’étranger, l’espionnage et l’entrisme qu’elle pratique auprès de nos entreprises et de nos universités, constituent un point de préoccupation majeur.

D’autres états cherchent à s’immiscer dans les affaires intérieures de la France, quoiqu’à une moindre échelle, actuellement, que la Russie et la Chine. Il s’agit notamment des pays comme le Qatar, le Maroc, l’Iran ou la Turquie. 

Mon rapport souligne l’exposition de la France aux ingérences russes : guerre informationnelle, cyberattaques, capture d’une partie de nos élites. Il n’esquive pas le sujet du Rassemblement National et de la relation privilégiée que celui-ci entretient avec le régime de Vladimir Poutine. Prêts russes, relais constant du narratif russe par les élus du RN, à commencer par Marine Le Pen, votes au Parlement européen et à l’Assemblée nationale favorables aux intérêts du Kremlin, nombreux déplacements d’élus du RN en Russie, dans le Donbass, et la Crimée illégalement annexée, les signes de cette proximité politique avec le régime de Vladimir Poutine ne manquent pas.

La prise de conscience, par les autorités françaises, de la réalité et de la dangerosité des ingérences étrangères, et, en ce moment, en France, comme dans plusieurs pays africains francophones, des ingérences russes hostiles à nos intérêts, est salutaire mais tardive.

Il appartient à l’ensemble de la société française, d’ouvrir les yeux sur les réalités géopolitiques auxquelles nos démocraties européennes sont confrontées, sur l’agressivité et la volonté de déstabilisation dont font preuve à notre égard des puissances autoritaires et à tout le moins inamicales, et sur la nécessité de la résistance collective qu’il nous faut leur opposer. 

La guerre hybride qui nous est menée, et dont les ingérences sont l’expression la plus répandue, appelle de notre part un sursaut citoyen. Celui-ci doit se fonder sur la responsabilité, la transparence et l’engagement de toute la société.